Une menace qui dépasse la technique

La Belgique a connu plusieurs cyberattaques majeures ces dernières années, visant des infrastructures critiques et stratégiques. En 2021, l’attaque contre Belnet a paralysé le réseau reliant les administrations, universités et centres de recherche. Plus récemment, des attaques ont visé des hôpitaux, des ports, mais aussi des sous-traitants de l’aéroport de Bruxelles, qui jouent un rôle clé dans la logistique et la sécurité aérienne.

Ces opérations, souvent attribuées à des acteurs liés à la Russie ou à la Chine, ne visent pas uniquement à bloquer un service : elles cherchent à tester la résilience du pays, à désorganiser temporairement des secteurs vitaux, et à instiller la peur dans la population.

La guerre hybride en action

Ces attaques s’inscrivent dans une stratégie de guerre hybride :

Psychologique : cibler un hôpital ou un sous-traitant de l’aéroport de Bruxelles provoque immédiatement un sentiment d’insécurité. Les citoyens comprennent que leurs déplacements ou leurs soins peuvent être perturbés à tout moment.

Stratégique : perturber les transports, ralentir le fret aérien ou maritime, bloquer temporairement des trains ou retarder des vols sont autant de moyens de démontrer la vulnérabilité d’un pays situé au cœur de l’Europe.

Opérationnelle : les attaquants testent la capacité de réaction. Chaque incident est une sorte d’“exercice grandeur nature” pour mesurer combien de temps il faut avant que les systèmes soient rétablis et que la coordination reprenne.

Le précédent des attentats de Bruxelles

L’histoire récente rappelle que la désorganisation des communications peut coûter des vies. Lors des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, le réseau téléphonique avait été saturé. Cette perturbation a entravé la coordination des secours : des ambulances et des équipes médicales n’ont pas pu être déployées efficacement, retardant la prise en charge de victimes graves.

Une attaque cyber ciblant les réseaux de communication ou les systèmes de gestion des urgences pourrait reproduire, voire amplifier, ce type de chaos – sans qu’aucune bombe n’explose.

Pourquoi la Belgique est un terrain d’essai

La Belgique concentre plusieurs atouts et vulnérabilités :

Institutions internationales : l’OTAN et l’Union européenne à Bruxelles font du pays une cible symbolique.

Infrastructures interconnectées : le port d’Anvers, l’aéroport de Bruxelles et les réseaux ferroviaires sont vitaux pour l’économie européenne. Une panne, même brève, peut perturber l’ensemble de la chaîne logistique.

Écosystème de sous-traitance : de nombreux services critiques (sécurité, bagages, systèmes IT aéroportuaires) sont gérés par des prestataires privés, souvent moins protégés que les institutions centrales, ce qui en fait une porte d’entrée privilégiée pour les attaquants.

Conséquences pour les citoyens et l’État

Les impacts potentiels dépassent la simple technique :

Perte de confiance : un citoyen qui ne peut pas voyager, recevoir des soins ou communiquer en urgence doute de la capacité de l’État à le protéger.

Risque d’escalade : une attaque de test aujourd’hui peut se transformer demain en attaque coordonnée, paralysant transports, hôpitaux et communication.

Impact économique : une cyberattaque sur le port d’Anvers ou sur l’aéroport de Bruxelles pourrait coûter des dizaines de millions d’euros par jour en pertes logistiques et commerciales.

La nécessité d’une cybersécurité renforcée

Pour répondre à cette menace, trois axes sont essentiels :

Coordination nationale : renforcer le rôle du Centre pour la Cybersécurité Belgique (CCB) et lier davantage les opérateurs de transport, d’énergie et de santé dans les plans de crise.

Investissements massifs : consacrer des budgets équivalents à ceux de la défense classique, car une cyberattaque peut paralyser un pays aussi sûrement qu’un missile.

Culture cyber : former les entreprises et les citoyens aux réflexes de sécurité. Une campagne de sensibilisation nationale, associée à des exercices de crise, peut limiter les dégâts d’une attaque réelle.

Conclusion

Les cyberattaques récentes ne sont pas des incidents isolés. Elles s’inscrivent dans une stratégie de guerre hybride, visant à intimider, perturber et tester les défenses d’un pays au cœur de l’Europe.

La Belgique, carrefour logistique et diplomatique, doit investir massivement dans sa résilience numérique. Car la prochaine attaque pourrait ne pas viser uniquement à faire peur, mais à désorganiser en profondeur les transports, la santé et la communication — avec des conséquences comparables à une attaque physique.

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